Séminaire de terrain à Nantes / Vidéo de la conférence de Thierry Guidet et Yannick Guin autour de l’histoire culturelle de cette ville

  • Le 20 novembre 2019
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Le 20 novembre 2019, les chercheurs de SCAENA ont entendu Thierry Guidet et Yannick Guin lors du séminaire de terrain à Nantes, autour de l’histoire culturelle de cette ville.

Dans leurs interventions, Yannick Guin et Thierry Guidet dressent une histoire de la ville de Nantes. Partant de la Révolution française et des négociants nantais, ils balayent les siècles d’histoire politique et sociale de la ville, avec les mouvements ouvriers, les hommes clés de l’histoire municipale, les guerres, jusqu’à un rappel des événements les plus récents au niveau social, culturel et politique.

  • Thierry Guidet est l’ancien chef de la rédaction nantaise d’Ouest-France et fondateur de la revue Place Publique.
  • Yannick Guin est historien, ancien adjoint à la culture du Maire de Nantes

Intervention de Yannick Guin

Dans une première partie de cette intervention, Yannick Guin dresse une histoire de la ville de Nantes, qu’il décompose en six moments :

  • Le négoce. Le commerce à Nantes se fait principalement dans la ville basse au XVIIIe siècle, qu’il s’agisse d’un négoce vers les îles des Caraïbes ou du commerce triangulaire. Les taux de profit et les risques y sont très importants.

Déjà la ville en arrière plan, le petit peuple, vit beaucoup de ce commerce de la traite, on y fabrique des bateaux – il y a déjà plusieurs chantiers navals à Nantes à cette époque – et toutes sortes d’objets, d’où une activité déjà importante. Selon André Siegfried, Nantes est déjà une ville développée avec une population qui a doublé au XVIIIe siècle et 87000 habitants au au moment de la Révolution française, entourée d’un océan rural, ce qui joue sur l’histoire de Nantes.

  • La Révolution française. Il s’agit d’un moment important à Nantes, qui a marqué et continue de marquer aujourd’hui. En effet, les événements qui vont s’ensuivre démontrent de positions de classes déjà assez précoces.

Le négoce, la ville de Nantes, entrent dans la révolution libérale du départ, y compris les droits de l’homme, avec un peu de réticence car la question de l’esclavage va se poser. Les choses se gâtent à partir de l’exécution du roi et du soulèvement de la Vendée et de campagnes environnantes. Une des causes très profondes vient du fait que les messieurs du commerce ont investi leurs bénéfices dans des terres, ce qui a posé de réelles difficultés avec la paysannerie. On est déjà devant un problème de capitalisme qui s’empare des espaces. S’ensuit le siège de Nantes à la fin juin 1793 par l’armée catholique et royale, la mairie est sous le feu des canons, défendue par la bourgeoisie volontiers républicaine et le maire girondin, mais c’est surtout le petit peuple qui va sauver Nantes.

  • 1848. Alors que la ville vit très largement du commerce triangulaire, le blocus continental va diminuer les affaires. L’ancienne sans-culotterie s’enfonce dans les compagnonnages clandestins.

Vers 1830 apparaît quelque chose de nouveau à Nantes de façon assez précoce : les machines à vapeur, qui commencent à fonctionner et permettent la construction qui se développe. Dans cette période c’est le développement de la ville haute, où se construisent le théâtre Graslin, des investissement immobiliers considérables. Et il y aura toujours dans la mentalité nantaise, une certaine différence entre la bourgeoisie qui habite la ville haute et les habitants de la ville basse.

Le mouvement ouvrier commence dans la clandestinité avec cette nouvelle industrie, là-aussi de manière précoce, conjointement avec un mouvement républicain. 1848 est l’expression de cette période : d’une part une bourgeoisie républicaine, d’autre part un mouvement ouvrier qui tient maintenant des débats. A cette époque, Saint Nazaire se développe et est vue comme un concurrent, dans un premier temps.

Jusqu’à une période récente, il y avait toujours eu un petit tiraillement entre nantais et nazairiens, alors que ces dernières années de nombreuses actions ont été mises en place pour la conjonction de cette estuaire de la Loire industrielle.

  • Le moment républicain. Les municipalités se succèdent, alternant entre un républicanisme de droite et un républicanisme un peu de gauche.

A la fin du siècle, il y a une production politique nantaise d’un point de vue nationale. Trois hommes vont jouer un rôle clé dans l’histoire nationale : Waldek Rousseau, Clémenceau et Aristide Briand.

La guerre 14-18 est assez profitable à Nantes, car Nantes est une base arrière qui produit beaucoup de biens nécessaires au front : armement et industrie alimentaire (biscuiteries).

  • La guerre 1939-1945. Aux élections de 1935, est élu pour la première fois d’un maire socialiste, Auguste Pageot, poussé par une presse de centre-gauche populaire. Les députés de gauche votent les pouvoirs à Pétain, ce qui cause un traumatisme profond. Nantes est à la fois une ville de résistance et une ville de collaboration. Le deuxième traumatisme Nantais est les bombardements qui détruisent de manière massive le centre de Nantes ; sont épargnées la cathédrale et la mairie, le théâtre Graslin est sauvé.

Des milliers de nantais partent vers les campagnes. Par rapport à l’histoire de Nantes, ce rapport ville-campagne est intéressant. Il y a presque une réconciliation ville-campagne à cette époque.

  • 1968. A Nantes, il s’agit d’un 1968 particulier, notamment chez les étudiants avec la sensibilité libertaire. L’occupation des usines commence à Nantes. Les paysans de l’ouest ont entamé depuis plusieurs années des rapprochements avec les milieux ouvriers, ainsi qu’étudiants. Lambert, leader paysan, défend l’idée que les paysans se retrouvent comme salariés vis-à-vis des grandes entreprises agroalimentaires et qu’ainsi leurs intérêts sont proches de ceux des ouvriers. Il y a donc une conjonction en 1968 de ces groupes.


Intervention de Thierry Guidet

Thierry Guidet rappelle l’événement de la nuit précédente, l’incendie de la voiture de l’installation de Royal de Luxe dans le quartier de Bellevue.

Cet épisode montre la difficulté dans laquelle se trouve la ville aujourd’hui et marque la fin d’une époque et le début d’une nouvelle, par rapport à l’époque illustrée dans la description historique précédente.

Dans l’histoire politique récente, on peut rappeler en 1977, l’élection d’Alain Chesnard est une grande victoire pour la gauche. Toutes les villes de l’ouest basculent à gauche à l’exception de Vannes et de Quimper. La gauche perd la ville en 1983, puis Jean-Marc Ayrault est élu (il accomplira le plus grand mandat de l’histoire de Nantes). En 1987, deux ans avant son élection, on procède au dernier lancement de bateau des chantiers navals. C’est une activité qui avait marqué l’histoire de Nantes. D’autres entreprises, notamment agro-alimentaires, ferment ou se délocalisent.

Nantes qui est cette ville industrielle, marchande, est en train de changer de nature. Cela n’est pas propre à Nantes puisque c’est aussi le cas dans d’autres grandes métropoles européenne mais c’est vécu comme traumatisant.

Pendant l’élection de Jean-Marc Ayrault en 1989, la culture a été un véritable levier. A ce moment, c’est Jean Blaise qui refait découvrir la ville. La première grande manifestation culturelle de ces années-là est Les Allumées : une manifestation nocturne de 18h à 6h pendant 6 jours, avec plusieurs grandes villes invitées et leurs artistes d’avant-garde.

Cette manifestation est un coup de génie car c’est une façon de rendre Nantes désirable aux yeux des habitants, qui redécouvrent la ville. En même temps, il y a eu la Folle Journée et l’installation de Royal de Luxe. Nantes est devenue une ville à la mode, une ville tendance, une ville dont on parle. Il s’est agi de manière indissociable d’une politique culturelle et d’une politique de communication, ce qui a modifié assez en profondeur l’image de Nantes.

Aujourd’hui l’agglomération nantaise gagne 9000 habitants par an. De nouvelles questions apparaissent : la ville est-elle devenue trop grande ? Les inconvénients tels que la difficulté à circuler et stationner, le prix de l’immobilier, l’augmentation de la délinquance, ne sont-ils pas plus forts que les avantages ? On touche aux limites de la politique mise en place au début des années 2000.

Désormais, il existe un débat autour de l’arbre aux Hérons. Est-ce raisonnable de dépenser tant ? Est-ce que cela ne fait pas partie de ce que certains appellent les grands projets inutiles ?



SCAENA remercie vivement Yannick Guin et Thierry Guidet pour leur intervention dans le cadre de ce séminaire de terrain.

Mis à jour le 16 octobre 2020.
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