FAIMEMO - Les faiblesses de la mémoire : pratiques, discours, enjeux médicaux et pédagogiques du Moyen Âge aux Lumières

La mémoire est par excellence un objet scientifique de longue durée. Si l’on en croit l’historien de la psychologie Kurt Danziger, « il n’y a probablement pas d’autre objet psychologique qu’on peut faire remonter aussi loin [dans le temps] sans même d’évolution dans le terme qui le décrit ». Il s’agit par ailleurs d’un objet au carrefour de traditions intellectuelles diverses, saisi d’abord par la philosophie, travaillé par la rhétorique, traité par la médecine, objectivé par la psychologie expérimentale, et aujourd’hui étudié plus particulièrement par les neurosciences et les sciences cognitives.

Malgré l’importance actuelle de l’approche neuro-cognitiviste, le dialogue interdisciplinaire se poursuit avec les sciences humaines. Le détour par les périodes anciennes et par des approches philosophiques, littéraires ou historiennes est particulièrement fécond pour penser les différentes « écologies cognitives » de la mémoire c’est-à-dire les multiples façons dont elle a été appréhendée et utilisée par le passé, alors que la psychologie expérimentale et scientifique n’envisage pas l’historicisation de son objet. Or, comme l’a magistralement démontré Mary Carruthers, la mémoire, plus encore qu’à une faculté, renvoie à un ensemble de pratiques, de représentations, de valeurs sociales et morales susceptibles d’évoluer. Tandis que l’occident médiéval sanctifie la belle mémoire, associée à la connaissance des Écritures, aux vertus morales (la mémoire est une composante de la Prudence) ou à la capacité créatrice des individus, l’époque moderne, et singulièrement le XVII^e siècle, la subordonne nettement au jugement, tandis que le XIX^e siècle romantique l’assujettira à l’imagination. Ce déclin du statut de la mémoire va de pair avec des mutations culturelles de grande ampleur, parmi lesquelles la prolifération de l’écrit et de l’imprimé, mutations qui se poursuivent aujourd’hui.

À quoi bon mémoriser quand il suffit de savoir chercher ou de manipuler un objet qui le fait pour nous ?

Le projet FAIMEMO envisage d’aborder cette question dans ses rapports avec la culture scolaire. Si la bibliographie sur l’histoire de la mémoire est abondante depuis les travaux pionniers de F.A. Yates et particulièrement nourrie ces dernières années, elle n’a croisé qu’incidemment et ponctuellement l’historiographie de l’éducation. L’univers scolaire est toutefois un ensemble d’institutions saturées de pratiques, de dispositifs et de jugements concernant la mémoire. Le projet se propose d’étudier ces croisements, à partir des terrains français et européens, des écoles primaires jusqu’aux universités, sous plusieurs aspects.